La fabrique de l’asile sans le droit à l’asile: La gestion différentielle des exilés « non européens » en Turquie
Published 2019-04-01
Keywords
- Turquie,
- asile,
- processus de catégorisation,
- construction des "indésirables",
- politique d'inclusion et d'exclusion
- administration,
- "infra-droit",
- exilés syriens,
- Turkey,
- asylum,
- categorization process,
- construction of "undesirable",
- politics of inclusion and exclusion,
- "sub-law",
- Syrian exiles ...More
How to Cite
Copyright (c) 2025 Elen Le Chêne

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Abstract
« Réfugié » (mülteci), « migrant » (göçmen), « invité » (misafir), « demandeur d’asile » (sığınmacı)… Afin de mieux comprendre la manière avec laquelle le pouvoir politique accueille les populations en exil en Turquie, cet article questionne la production des catégories étatiques de l’asile des années 1930 jusqu’à aujourd’hui. Pour les « non Européens », c’est l’octroi de statuts temporaires qui prévaut, créant des exilés « ni désirables, ni expulsables », comme c’est le cas dans la plupart des pays dits « du Sud ». Cet article décrit la réticence structurelle de la Turquie à l’installation durable des exilés « non Européens ». Il expose par ailleurs les logiques d’un traitement différentiel de certaines nationalités ou de groupes (religieux, ethniques) et les différents moyens qui le rendent possible. L’analyse des « mots» et des définitions juridiques est couplée à celle des usages de ces catégories. Arrangements avec le droit international, contournements de la catégorie de réfugié, vides juridiques, régime de protection exceptionnel, recours persistant à l’infra-droit, marge explicite de discrétion administrative : ce large répertoire d’actions permet aux autorités politiques et administratives de se ménager un espace de latitude pour inclure, tolérer, marginaliser ou exclure les exilés au gré des priorités politiques nationales. Si le régime d’inclusion et d’exclusion de l’État s’ajuste en situation, il se structure toutefois historiquement autour d’une grille de lecture ethno-confessionnelle. L’accueil des exilés depuis le début du conflit syrien en 2011 ne fait pas exception. Les autorités ont renoué avec un traitement « à la carte », couplé avec l’adoption d’un régime de protection dégradé, inspiré du droit communautaire européen.
Making the asylum policy without the right to asylum.The differential treatment of “non-European” exiles in Turkey
“Refugee” (mülteci), “migrant” (göçmen), “guest” (misafir), “asylum seeker” (sığınmacı)... To understand the way in which political power deals with people in exile in Turkey, this article questions the production of state categories of asylum from the 1930s to today. For “non-Europeans”, it is the granting of temporary statuses that prevails, creating exiles “neither desirable nor expulsive”, as in most so-called «southern» countries. This article describes Turkey’s structural reluctance to allow «non-European» exiles to settle permanently. It also sets out the rationale for differential treatment of certain nationalities or groups (religious, ethnic) and the different means by which this is possible. The analysis of «words» and legal definitions is coupled with the analysis of the uses of these categories. Arrangements with international law, circumvention of the refugee category, legal loopholes, exceptional protection regime, persistent use of sub-law, explicit margin of administrative discretion: based on this broad spectrum of practices, political and administrative authorities include, tolerate, marginalize or exclude exiles according to national political priorities. While the State’s regime of inclusion and exclusion adapts according to the situation, it is historically structured around an ethno-confessional interpretation grid. The reception of exiles since the beginning of the Syrian conflict in 2011 is no exception. The authorities have resumed a «à lacarte» treatment, coupled with the adoption of a degraded protection regime inspired by European law.